Silence

Vous pouvez m’accuser de mille choses ; vous pouvez maltraiter mon honneur, entretenir ma souffrance, détruire ma vie. Vous pouvez  torturer mes pensées, m’abaisser aux plus bas rangs dans ce monde déjà tombé de bien des étages. Oui, vous pouvez faire tout ça ; me retirer jusqu’au droit même de respirer. Mais il y a une chose que jamais vous ne m’enlèverez :  mes désirs à moi. Car même dans le gouffre ténébreux dans lequel vous me poussez, il y a une lumière, une bougie, et c’est moi qui l’allume incessamment de rêves et d’espoirs. Je sombre peut-être dans la folie, mais une personne devient folle à partir du moment où les autres la considèrent comme telle. Et cela fait longtemps que dans vos gestes et vos paroles quotidiens, vous me rappelez qu’à vos yeux, je ne suis rien, même pas une poussière, à peine digne d’être balayée. Avais-je perdu la raison, quand je me débattais, quand je défendais mes opinions ? Quand je disais que de l’autre côté de ce sombre mur, il y avait un autre paysage, un autre univers dans lequel tout le monde serait heureux ? A vos yeux, oui. Je n’ai senti que tout était perdu pour moi, quoi que je fasse, qu’à partir de ce moment où vos regards avaient changé, où j’ai vu cette triste lueur. La lueur de la démence, mais bien plus encore ; du désespoir, de la tristesse, du regret sans doute, mais aussi une profonde pitié. Et j’ai compris. Vous aviez de la pitié pour moi, qui tentait encore de nous sauver de ce désastre, de nous rendre cette liberté perdue.
Vous n’avez cessé de me bousculer, de m’insulter, de me remettre à ma place, sans cesse. Lorsque je pleurais, je n’étais qu’une gamine pour vous, et si je ne versais pas de larmes, j’étais une pierre insensible à mettre à la poubelle. Quoi que je faisais, vous me critiquiez. Rien n’étais jamais trop bien pour vous, il fallait toujours que je redouble d’efforts pour me faire une place dans votre société. J’ai fini par abandonner, bien sûr. Je suis partie loin de vous, loin de ce désastre dans lequel vous vous enfonciez. J’ai traîné dans les bas quartiers des villes, comme une créature déchue, obligée de me nourrir des restes de vos repas luxueux dont vous ne vouliez plus. Je vous recroisais souvent ; à ces moments, je me tenais tête basse, le regard pointé vers le sol, pour masquer cette colère qui emplissait mon cœur et se lisait dans mes prunelles. Vous vous moquiez de moi, vous me traitiez de faible, de lâche, d’imbécile et j’en passe. J’étais quelqu’un qui ne servait à rien, ou juste à  défouler votre rage quand rien ne se passait comme vous le prévoyiez.
Au fond de mon âme, j’ai pourtant toujours cette bougie. Sa flamme ne s’est pas éteinte, mais à mesure que je faiblis, elle vacille. Je fais de mon mieux pour tenir debout, pour affronter le chemin le regard droit, sans fléchir. Pour vous, je suis déjà perdue. Je suis déjà morte, alors que je respire encore. Mais vos yeux ne portent pas suffisamment pour le voir, ça. De même pour vous rendre compte de ce qui vous arrive.

Vous me tuez à petits feux, en espérant me faire souffrir le plus longtemps possible, avant de m’achever, et ce, parce que j’ai voulu vous sauver de la misère. Oui, j’ai voulu vous aider, vous détournez de ce chemin, vous faire comprendre que votre destin n’était pas de devenir des démons sans aucune âme. Et pour cela, vous m’avez puni. Vous m’avez privé de toute ma liberté, de tout ce que je possédais. Vous m’avez enlevé tout but à mon existence, et tout son intérêt. Pourtant, au prochain virage, je vois à chaque fois un espoir pour renaître, et je l’exploite du mieux possible, même si j’échoue à chaque fois. Mais comme dis précédemment, vous ne pouvez pas me retirer mes envies ; et même si face à vous, je me suis tue à jamais, mon esprit entonne encore ces chants de promesses et de renouveaux qui content un nouveau monde, où il n’y aura plus ni haine ni violence, ni de pauvreté ni de richesse car tous seront égaux. Un monde où la tristesse n’existera pas et où il n’y aura que la paix et la liberté.
Car, sans la liberté, vous n’êtes rien. Sans liberté, vous n’êtes que des pantins, des marionnettes, guidés par de sombres desseins. Non, si vous n’êtes pas libres, vous sombrez dans les abysses les plus profondes ; c’est ce que vous avez tenté de me faire. Vous vouliez aller au-delà du fait de me tuer. Vous vouliez me rendre folle, vous vouliez que je vous supplie à genoux de cesser tout cela. Vous avez échoué, car ma volonté était plus forte que votre démence. Maintenant, je m’efface dans le silence. Je tente de tout oublier, de tourner cette noire page. Mais comment ne plus se souvenir de la mort qui danse sous mes yeux ? De son sourire cruel qui me narguait, et qui faisait ressentir tout son plaisir à jouer avec mes sentiments ? Mais je l’ai fui. Pour moi, à chaque tournant dans les quartiers, c’est la peur de vous croiser qui me hantait, ou de la croiser elle. Je pense que je préférerais mourir plutôt que de me soumettre à vous. Mais tant que je peux encore vivre, et que j’ai encore la lueur de la bougie dans mon corps, je me bats, je tente de vous échapper. Je sens que je ne peux pas tenir encore très longtemps, et que ma disparition est proche. Dès que j’ai le temps de me poser un instant, j’observe le monde. La Terre était si verdoyante, si colorée, au temps où vous n’étiez pas là ! Maintenant, elle est terne et desséchée, toute sa beauté évaporée. Ma vie se décolore elle aussi, et se teint de noir et de blanc, mais aussi du rouge vermeille des blessures de mon âme. Je sens cette dernière se déchirer en moi.
Vous essayez de me faire perdre tout espoir, de me faire abandonner, de me faire lâcher prise. Vous n’y arriverez pas ! Quitte à mourir, je serais face à vous, debout, sans jamais m’incliner, sans jamais esquisser un geste de soumission. Je suis certes seule, mais la force de ma volonté dépasse de loin celle de vous tous réunis.

Désormais, je me cache pour vous échapper. Je ne reconnais plus la lueur du soleil, cette dernière me paraît bien trop éloignée à mon goût. De toute façon, je lui échappe à lui aussi. Je dors le jour et cours la nuit pour mettre le plus de distance entre vous et moi. Je ne comprends pas pourquoi vous m’infligez cela, pourquoi, alors qu’il y a à peine quelques moi, nous nous serions la main, vous êtes devenus mes pires rivaux. Mes pensées s’emmêlent, se brouillent. Mais je n’ai pas le temps d’y remédier. Je dois déjà m’enfuir, car même si vous ne me voyez pas, moi, j’aperçois vos ombres au loin.

« Votre liberté est ma prison
Dans mes veines coulent votre poison
Mon cœur lutte pour s’en débarrasser
Je suis brûlée, empoisonnée.

Je ne trouve pas l’antidote,
Personne n’est là pour me sauver
Petit à petit je me sens noyée
Par votre fléau, par vos fautes . »

Falco' a écrit:

« Votre liberté est ma prison
Dans mes veines coulent votre poison
Mon cœur lutte pour s’en débarrasser
Je suis brûlée, empoisonnée.

Je ne trouve pas l’antidote,
Personne n’est là pour me sauver
Petit à petit je me sens noyée
Par votre fléau, par vos fautes . »

Falco' a écrit:

et même si face à vous, je me suis tue à jamais, mon esprit entonne encore ces chants de promesses et de renouveaux qui content un nouveau monde, où il n’y aura plus ni haine ni violence, ni de pauvreté ni de richesse car tous seront égaux. Un monde où la tristesse n’existera pas et où il n’y aura que la paix et la liberté.

Démence

«  Je te hais. Je te déteste tant, tu sais. Comme tu savais ce qui allait arriver, autant que tu me connaissais. Tu savais que le ciel se déchirerait en éclairs, que mon univers, notre univers se détruirait ; tu savais que l’amitié était un pont fragile entre deux âmes, fait de glace et de verre, qui se brise au moindre choc. Tu savais que la vie est un tissu de mensonge, que la vérité était illusoire. Tu as ignoré toutes ces connaissances, tu as essayé de croire en un monde meilleur. Mais laisse-moi  t’expliquer : il n’y a ni bien ni mal. Ni démon ni ange. Juste le pouvoir, la richesse, la domination. Lorsque tu viens à la vie dans cette société, tu te dois de choisir si ton existence sera couronnée de succès avec ces autres imbéciles, ou si tu feras partie des autres. Tu as fait ton choix, pauvre idiote. Tu as choisi une troisième voie ; le chemin de la mort. Tu étais persuadée que derrière ce terme, il y avait un autre monde de paix.

J’ai perdu toute foi en l’humanité,
Je ne vois plus que ses défauts.
Le pouvoir le plus destructeur réside en les mots
Qui, bien utilisés, se transforment en épée.

J’espère te faire goûter sa lame
Et que se déchire mille morceaux ton âme ;
Ouvre un peu les yeux et tu verras
Qu’après l’apocalypse il adviendra

Ni la paix ni un monde meilleur
Juste la souffrance et le malheur…
On payera le prix de nos erreurs
Et en ressentira la douleur

Derrière un vol de corbeau ébène
Sorti tout droit des caves des enfers.
On ne sera liés plus que d’un fil de fer
Enflammé au milieu d’une arène.

Mais je suis persuadée qu’au fond de la mort il n’y a que l’oubli et le néant. Que tu as voulu jouer avec elle et que tu as perdu. Tu t’es faite piégée comme tant d’autres avant toi ! Sur mon bureau délabré, il n’y a plus qu’une photo jauni par le temps te représentant en train de sourire. Mais je sais très bien que derrière ce rire il y avait des couteaux, et que déjà, à cette époque, tu préparais ton départ. Tu voulais te lancer un défi. Tu voulais prendre ta revanche sur la vie, elle qui t’avait tout pris.
Et c’est maintenant que tu en payes le prix. Tu as échoué. Tu t’es fait battre à plate couture et par la mort, et par la vie. Au fond, tu n’as rien gagné.

Me voilà errant dans mes souvenirs,
Il n’y a plus ni aucune joie ni aucun sourire
Dans les scènes qui me viennent à l’esprit.

Il y a juste la terreur que je lisais
En ton regard quand on t’abandonnait
Te laissant seule avec le vent en compagnie.

Tu sais qu’on a essayé de te convaincre
Qu’il y avait d’autres solutions que se venger
Pour pouvoir la vaincre.

Vaincre qui ? La vie, voyons !
Celle qui engendre tant de souffrance
En si peu de temps d’existence !

Et tu as refusé de nous écouter
Et tu as longtemps insisté sur le fait
Qu’aucune faute ne restait impunie.

Tu as juste réussi à te faire des ennemis en plus. Car, plus que nos cœurs, c’était nos idéaux qui nous liaient. Tu as rompu notre promesse. Ton corps qui repose sous terre, surplombé à la surface de la terre d’une pierre gravée de ton nom, est tout ce qui reste de ton existence.
Je ne suis désormais plus qu’une démente qui s’enferme dans le silence.»

Ils s'aiment

Elle parle. Tout en parlant, elle sourit. Tout en souriant, son regard heurte le sien. Cette rencontre est… Fracassante, déstabilisante, mais aussi merveilleuse, unique. C’est l’envie d’aimer l’autre, de l’aimer pour le restant de la vie, et le désire de continuer à aimer. L’amour qui tourmente deux cœurs, l’amour qui scelle les destins, l’amour qui détruit et reconstruit. Celui que l’on attend aux portes de l’hiver, dans le froid et le gèle, avec l’espoir incertain que quelqu’un viendra nous réchauffer. Celui qui erre l’été venu dans les rues abondantes de vie, unissant deux êtres inconnus l’un à l’autre et qui apprennent peu à peu à se connaître.

Il la regarde. Tout en la regardant, il se questionne. Tout en se questionnant, sa main heurte la sienne. Ce contact est… Bouleversant, doux, prometteur d’un avenir pour deux personnes qui sont deux opposés, et qui, par leurs sentiments, se ressemblent. Les pensées se brouillent, tout devient surréaliste, tout nous paraît improbable. C’est un rêve, un rêve éveillé qui nous berce la nuit et nous rend lumineux le jour. L’un est la flamme et l’autre l’oxygène ; ils ne peuvent vivre sans leur moitié. L’amour fait des miracles, mais juste le fait d’être ensemble, l’espace d’une ou deux heures, est déjà miraculeux.

Ils sourient. Tout en souriant, ils se regardent. Tout se regardant, leurs lèvres se heurtent. Cet instant est… Fabuleux, irréel, exceptionnel. Ils s’aiment, et leur âme chante, et leur vue se trouble. Leur cœur s’emballe l’espace de ces quelques secondes. Ils n’entendent plus rien et ne veulent plus rien entendre. Ils se séparent, et rient, heureux, ébahis. Ils s’aiment, tout simplement.

<< Je t'offrirai le ciel et la mer,
Je te donnerai les arbres et la terre,
Je te consacrerai ma vie toute entière,
Et si il le fallait, j'oublierai hier.

Avec toi je danserai sous la pluie d'automne
Et jetterai aux flots tous ces souvenirs mornes.
J'irai au bout du monde, je serai ce trésor,
Si rare et si précieux, comme de l'or,

Que tu auras cherché pendant toute ta vie,
Qui fera vibrer ton cœur et ton âme,
Qui saura te rendre vivant autant qu'une flamme
Consumant le bois au creux de ton esprit. >>