Invité
Contact et infos
| Sujet: Re: A mon tour ! Mer 30 Nov 2011, 08:43 | |
| Ah ! J'avais complètement oublié !!! donc ben : - Promises et Promis:
Le regard au loin, je me perdis tout aussi loin dans mes songes. La neige couvrait tout le domaine de notre famille et le rendait presque chaotique. Cette impression, je le connaissais bien. Et même un peu trop bien depuis la visite des Wells. La révélation que nous avaient fait nos parents sur nos avenirs respectifs était des plus délicates et je crois qu'ils auraient mieux fait de nous laisser faire connaissance sans nous savoir liés. Du moins c'était ce que j'aurais souhaité en ce moment même, car l'impression que mon libre arbitre était inexistant n'avait cessé de m'étreindre depuis cette fichue soirée. Il y avait ça, mais aussi, presque, une certaine forme de manque, maintenant que les Wells étaient rentrés chez eux. Non seulement je redoutais l'avenir, mais en plus, je n'étais ne mesure d'y faire quoi que ce fut. Mes sentiments se confondaient à la partie purement politique et arrangée du choix des deux familles. Je ne désobéirais pas à la volonté de mes parents en me rebellant contre leur gré. Je ne mettrais pas mon honneur en péril en attentant à sa vie. Je ne me donnerais pas la mort non plus, je n'en avais pas le courage. Alors que faire si ce n'était laissé le temps passé et le jour que je redoutais arrivé ? Et encore, je ne savais plus si je le redoutais vraiment ou si je l'attentais... Oh, il me restait encore plusieurs années à venir avant de devoir donné suite à la lignée et même encore au moins un mois avant d'être définitivement de sa famille, mais j'avais peur. Peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas faire la fierté de mes parents. Et surtout, je redoutais l'Angleterre. J'étais française, moi, pas anglaise. Je ne connaissais rien aux us et coutumes de ce pays, je n'étais même pas encore une femme... Tout allait trop loin et surtout bien trop vite pour moi. Je ne savais plus discerner le vrai du faux, ce que je devais réellement faire ou non si ce n'était essayer de me calmer et de comprendre ce que je voulais vraiment, ce que je cherchais dans ce monde.
Je remontais intérieurement le temps, revivant les scènes de la fin d'après-midi jusqu'à ce que la soirée se termine enfin... Je me trouvais exactement au même endroit que maintenant, regardant à travers la grande fenêtre de ma chambre quand, sans même frapper, ma mère pénétra en trombe dans ma chambre. Elle semblait sur les nerfs, elle ne me laissa même pas le temps d'être surprise qu'elle commençait déjà son sermon sur mes occupations futiles. Qu'aurait-elle préférer que je fasse ? Des essayages devant mon grand miroir ? Rêvasser à un prince charmant que je ne rencontrerais jamais ? Me trouver à flâner dehors ? Ne comprendrait-elle jamais que j'eus besoin de calme pour ne pas devenir folle ? Ne serait-elle jamais capable de me laisser en paix quand mon cerveau et mon coeur en avaient besoin ? Cette femme me mettait chaque instant à rude épreuve et je ne savais combien de temps je le supporterais encore.
- Une haute famille anglaise viendra séjourner ici, m'informa-t-elle. Leur voiture arrivera en début de soirée, pour notre réception, puis ils resteront chez nous toute une semaine. Je compte sur toi, ma fille, pour donner une bonne image de notre famille. Les D'Annecy ont une réputation à tenir, tu es de lignée ducale, sois en fière. Je compte sur toi, Violaine. - Bien, Mère, m'inclinai-je avec respect.
Chaque fois, c’était la même chose. J’avais appris à me méfier à chaque réception de mes parents, car à chaque fois, nous avions le droit à un coup fourré. Un ou plusieurs même, parfois. Mais en général, nous étions prévenus la veille. Ce fut pourquoi je n’étais restée sur mes garde que jusqu’hier et j’avais ensuite laissé mes barrières redescendre, pensant – à tort – qu’ils ne pouvaient plus nous donner du fil à retordre. Arthur, mon grand frère, lui, avait perdu toutes notions de méfiance longtemps au part avant. Il pensait que si nos parents ne nous disaient rien, il y avait de bonne raisons. Je doutais sincèrement qu’il y eut d’autres raisons que celle de ne pas attirer notre méfiance – ou notre colère - sur eux, mais chacun voit midi à sa porte.
Ainsi le soir, peu avant le banquais, nos invités arrivèrent. Il s’agissait de la famille Wells, lignée de dignitaire militaire au service de la couronne depuis belle lurettes. L’arrivée se fit en deux voitures : la première remplie de la famille en elle-même et la seconde, les serviteurs important tel que le majordome des deux hommes ainsi que des dames de compagnies des femmes, au nombre de deux également. La surprise se forma en moi quand je vis que les deux enfants avaient respectivement et approximativement les mêmes âges que mon frère et moi-même. Mais il n’y avait pas que nos parents qui avaient un garçon de seize ans et une fille de quatorze ans. Et puis peut-être même n’avaient-ils pas exactement nos âges. Bref, ce n’était qu’une stupide coïncidence. Tout du moins, je l’espérais. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Aucun de nous, enfants, n’étions en âge de nous mariés, alors pourquoi me faire du souci ? Qu’importe ce que mes parents pouvaient tramés, ils ne pourraient pas être en mesure de transformer ma vie du haut de mes quatorze petites années. Et il n’arriverait rien qui change le quotidien de mon frère non plus, ainsi, je n’avais qu’à me tenir correctement une semaine durant et tout passerais comme une lettre au service de poste. Et vu que j’avais en permanence une attitude exemplaire, personne n’aurait rien à me reprocher. Avec un peu de chance, la semaine passerait vite et puis rien ne m’empêchait de me réfugier dans ma chambre…
Ces monsieur-dames une installés dans leurs chambres de l'aile Est du manoir - aile exclusivement réservée aux invités - nous descendîmes les attendre dans le grand salon ou quelques convives commençaient à se rassembler. L'orchestre s'installaient et c'est en les observant essayer et accorder leurs instruments que je me rendis compte d'une ignominie : mon piano avait été déplacé de la salle de musique jusqu'ici. Le regard mauvais je pressais le pas et me mis juste devant ma mère, lui bloquant le passage. Elle n'avait pas le droit de me faire ça, c'était mon instrument à moi seul et mis à part mon professeur, nul n'avait le droit d'y toucher. C'était comme prendre la plume d'un écrivain ou encore la fourche d'un paysan. Si elle avait demandé à quelqu'un d'autre de jouer, je lui en voudrais longtemps. Mais si c'était moi qu'elle avait désignée comme pianiste, je lui serais tout aussi rancunière de ne pas m'avoir prévenue. Quoi qu'il arrive, elle avait commis le sacrilège de le déplacer et il lui faudrait m'en payer la dette, avec les intérêts.
- Mère, que fait mon piano ici ? - Isidore ne t'a pas prévenu ? Je lui avais demandé, pourtant, crois-moi ! - Qu'a-t-il omit de me dire ? Il serait peut-être temps que l'on m'en touche un mot... - Pour ma défense, Violaine, c'est Armand qui en a eu l'idée. Nous voudrions que tu joues pour nos invités anglais. Est-ce possible ? - Je suppose que je n'ai pas le choix. - C'est une bonne déduction, ma fille. Avant le repas, cela ne te dérange pas ? - Comme je l'ai dit, que cela me dérange ou non, c'est le même tarif. Et puis ce qui est fait n'est plus à faire. Je jouerai quand tout le monde sera arrivé.
Il ne fallut pas longtemps pour que tous les convives finissent par entrer dans la grande salle pavée de marbre au sol et constellée de mosaïques au plafond. Mon père eu l'excellente idée de se lancer dans un discours de bienvenue. Nous entendions les mêmes paroles chaque fois. Jamais il n'eut l'idée, par exemple, de changer ne serait-ce que quelques mots de son monologue. A quelques détails près, j'étais capable de le réciter tout comme lui. Jusqu'à l'instant où il convia la fille de nos invités « principaux » - Melinda Shirley Alison Audrey Victoria Wells - et son grand-frère - Timothy Alexander Wesley Thomas Arthur Wells - à venir le rejoindre. L'anxiété me gagna. Pourquoi les appelés ? Pourquoi les présentés à toute la foule ? Auraient-ils un rôle important à jouer ? Qu'avaient manigancé nos parents ? Je n'y comprenais plus rien et les rumeurs les invités couvraient tout ce qu'il restait du silence. Un frisson me parcouru l'échine, si je n'avais pas tenu à faire bonne figure, je me serais enfuie dans ma chambre, loin de tous ces gens. Loin de mes propres parents...
Armand François Pierre Louis Paul D'Annecy, Duc D'Annecy - et surtout mon père - fit revenir le silence dans la salle et lança à ma mère un regard interrogateur. Il hésitait sur quelque chose d'important. C'était la première fois que je le voyais agir de la sorte en public et je n'aimais pas ça du tout. Je vis ma mère le désigner d'un geste instant, elle ne lui laissait visiblement pas le choix. Pour une fois que c'était elle qui prenait les reines, on ne pouvait pas reprocher à mon père de douter de son idée. Même à vrai dire, je crois qu'il aurait mieux fait de décider lui-même, seulement il ne pouvait plus reculer. Ce fut bien dommage, car je crois que cela nous aurait arrangés, autant mon frère que moi.
- Je déclare devant tous, commença-t-il, qu'à Miss Melinda Wells, sera uni mon fils. Arthur Marc Jaques Antoine Victor D'Annecy, vins donc nous rejoindre, s'il te plaît.
Ma respiration se coupa nette. Alors c'était bien ce que je m'étais forcée à ne pas redouter. Ils nous avaient promis et ils avaient attendu le dernier moment pour nous en donner les indices. Comment avaient-ils osés ? Comment pouvaient-ils nous faire une chose pareille ? Nous étions jeunes encore, trop jeune pour être mariés. C'était ce que je croyais, mais la réalité était bien plus loin. La réalité était que la noblesse ne pardonnait pas aux enfants d'être si bien nés. A peine avaient-ils atteint l'adolescence que l'on les promettait à une autre famille qu'importe leurs avis. Je me contre fichais de la dot que mon père avait donné pour moi, mais je ne tenais plus en place à l'idée que dans quelques secondes, tout le monde me saurait liée à un garçon dont je connaissais seulement le nom. Je brulais de l'intérieur, mais ne ferais rien. Non, je ne ferais rien du tout, je ne tairais et obéirais. Je tenais au peu d'honneur que l'on donnait aux femmes. Et je ne voulais pas causer d'ennuis à ma famille.
- Et j'en profite pour dire également, repris-t-il, qu'à Sir Timothy Wells, sera marié ma fille, Violaine Sélèna Camille Garance Ariane. Rejoins nous, s'il te plaît, mon enfant.
Je me dirigeais machinalement vers lui et le dénommé Timothy. Je ne pouvais plus réfléchir et mon regard c'était vidé. J'avais perdu toute contenance, ne sachant plus quelle attitude adopter.
- Elle sera également votre pianiste, ce soir, acheva-t-il. Vous pouvez dès à présent vous mettre à table, les serviteurs viendront vous amener les plats d'ici un instant.
Ignorant les regards posés sur moi et sur ma mine sans aucun doute devenue cadavérique, je me dirigeais vers le piano. Peut-être parviendrai-t-il, un instant, à me calmer de sa douce mélodie ? J'aurais tout donné pour que ce fût le cas. Il fallait que je souffle, il fallait que je donne une bonne image de moi à mon promis. Je ne le connaissais pas, mais étant le fils d'une grande famille et bon à marier, il devait être quelqu'un de bien. Peut-être de trop bien pour moi... Non, je ne devais pas penser ce genre de choses, j'avais toujours respecté les décisions de ma famille, mes rebellions étaient fondées et j'obtenais chaque fois gain de cause. Mais cela était lié au fait que je faisais affront quand je savais que je gagnerais, je ne perdais pas de temps avec les causes perdues. Et celle-ci en était une. Elle était même plus que perdue, elle était désespérée. Rien au monde ne saurait faire changer mes parents d'avis à ce sujet et certainement pas moi. Je m'assis sagement sur le banc devant mon instrument. Jetant un dernier regard à la salle je pris une grande inspiration. Focalisant toute l'attention que je pouvais y mettre sur le clavier de l'instrument, je préparais mes doigts au-dessus des premières notes. Il me fallait en un temps record trouver un morceau qui correspondait à l'ambiance et non à mon humeur, ce n'était pas gagné. J'optais pour une balade simple, connue de tout mon auditoire. C'était la toute première partition que j'eus apprise et je ne pouvais pas me tromper là-dessus. C'était juste impossible, je le connaissais trop bien. Beaucoup trop bien. Pour gagner du temps, je répétais chaque thème une fois de plus que la normale, mais seule une oreille attentive l'aurait remarqué, ce qui n'était le cas de personne dans la salle.
A la fin du morceau, quand je levais les yeux du clavier, Miss Melinda était face à moi. Elle portait sur ses lèvres un sourire étrange. Ni narquois, ni défiant, mais doué d'une certaine arrogance. Je n'avais jamais vu qui que ce fût porter une telle expression. Peut-être en était-elle la créatrice ? Tout un chacun avait des manières de faire que les autres ne savaient reproduire. Ou peut-être aussi était une émotion typiquement anglaise ? Je devais donc en prendre bonne note pour mon futur époux. C'était une possibilité à ne pas négliger...
- Pourquoi vous êtes-vous trompée ? M’interrogea-t-elle, en français. - Pardon ? Ne compris-je pas. - Le thème, vous le jouiez à chaque reprise une fois de trop. Pourquoi ? - Pour ne pas être contrainte de jouer une autre mélodie. Nous avons un orchestre, il est là pour ça.
Je tentais de me relever, mais mon interlocutrice entrava mon mouvement et me contraignit à me rassoir. Je ne comprenais pas son geste. Que voulait-elle ? Et aussi, comment parvenait-elle à rester aussi sereine alors qu’elle était promise depuis à peine dix minutes ? N’avait-elle pas de sentiments ? C’était impossible. Elle devait juste être bonne comédienne et s’être protégée d’une barrière solide, au moins pour la soirée. Ou avait-elle été prévenue d’avance ? Ce n’était pas impossible…
- Un quatre mains, cela vous tenterais-t-il ? Changea-t-elle de sujet. - Si vous le souhaitez, Miss Wells, je ne m’y opposerais pas. Obtempérais-je à contrecœur. Choisissez, je vous dirais si je le connais ou non…
Au premier - et seul - nom qu'elle me dit, je souris, c'était mon quatre mains préféré. Elle s'assit près de moi au piano, du côté des graves, je me rangeai du côté des aigus. Pendant les cinq minutes suivantes, l'osmose entre nous était totale. Il était étrange de voir comme, même sans la partition, nous étions ensemble. Elle avait fait un choix que je félicitais et j'étais ravie de savoir que je partageais au moins un point commun avec la future femme de mon frère. Mais cela n'importait strictement rien, autant pour elle que pour moi : elle viendrait vivre en France et je partirais pour l'Angleterre. Nous ne nous verrions que très peu. Il était dommage, j'aurais apprécié partager son expérience de pianiste... Mais vu qu'elle comme sa famille passerait la semaine ici, j'aurais le temps... Si l'idée d'être promise ne m'entêtât pas trop, me promis-je, je passerais du temps avec elle dans la salle de musique.
Une fois notre temps de jeu écoulé, nous nous regardâmes et échangeâmes des regards complices. Cette sensation que j'avais ressentie, elle l'avait éprouvée aussi. Nous regagnâmes les tables, chacune du côté de nos familles, bien que nous fûmes côte à côte. Longtemps, nous discutâmes de choses diverses et variées, échangeant sur nos goûts et notre intérêt notable pour la musique. Plusieurs langues se succédèrent : d'abords le français et j'étais contente de ne pas être la première à devoir me plier aux règles de l'autre, puis l'anglais, voyant qu'elle ne trouvait plus ses mots dans ma langue et pour finir, l'italien, la langue des musiciens.
Je l'avais longtemps observée. Ses cheveux noirs et à peine ondulés descendaient jusque dans son dos, entre ses omoplates, plus précisément. Si ses yeux d'onyx ne brillaient pas d'une lueur humaine, on aurait pu la croire morte tant ses prunelles étaient sombres et froides en elles-mêmes. Sur ses lèvres se dessinaient toujours cette sorte de sourire de biais dons jamais je ne parvins à trouver la consonance. Sa robe de gala était de très bon goût : la majorité était recouverte d'un tissu bordeaux les broderies noires, fleuries et entrelacées remontaient du pan droit de sa robe, à sa manche gauche, serpentant et dodelinant tout le long de son parcourt... Magnifique. Il n'y avait pas d'autre mot que celui-ci pour la décrire.
La soirée était bien avancée déjà quand mon futur mari vint se présenter devant moi, une sourire enjôleur peint sur son visage. Lui aussi avait les cheveux bruns et des iris de jais. Il était un tout petit peu plus grand que mon propre frère, c'était à dire au moins quinze centimètres de plus que moi. Il portait presque le même costume cintré que tous les hommes présents dans cette salle, pas une touche d'originalité. Je ne pouvais cependant pas reprocher son blanc parfait et immaculé, je me demandais comment il eut réussi à tenir aussi bien ses vêtements durant le repas. Etait-il vraiment un de ces garçons extrêmement bien éduqué ? Je priais pour. Il se tenait, le dos droit, penché vers moi. Son bras droit était replié dans son dos et l'autre était tendu vers moi d'un signe d'invitation. J'avais déjà compris ce qu'il voulait sans même avoir à dire un mot et je l'en félicitais du regard, mais me refusais à bouger sans avoir entendu sa voix. D'une certaine façon, c'était ma condition pour notre première danse. Comprenant à son tour ma demande à travers mon attitude, son sourire grandi et s'il l'avait pu, se serait étiré d'une oreille à l'autre.
- Demoiselle Violaine, me dit-il en français, mais avec un accent anglais si présent que je ne pus m'empêcher de rire légèrement, m'accorderez-vous une danse ? - With great pleasure, Sir, lui répondis-je, volontairement dans un anglais presque parfait.
Son visage se partagea entre le rire et l'admiration. J'avais travaillé davantage sur les langues que l'on avait voulues m'apprendre que sur les quelques cours de cuisines. Au moment où la musique se stoppa pour laisser le temps aux couples d'entrer et de sortir de la partie de la pièce non remplie par les diverses tables et chaises, je pris la main et le laissais m'entraîner au coeur même de la salle. Il n'avait pas froid aux yeux de se lancer ainsi... Et si par exemple, je n'avais pas su danser ? Non, une fille de mon éducation ne pouvait pas ne pas savoir danser, il avait raison sur ce fait. Mais il pouvait se passer tant de choses qui nuiraient autant à son image qu'à la mienne... Et encore je revenais à cette idée que je ne serais peut-être pas assez bien pour lui. En fait, il fallait que je m'ancre dans l'esprit que suffisamment bien ou pas, ce serait la même chose, pour lui et pour moi, alors autant donner le maximum.
Un certain malaise s'empara de moi dès le moment où il glissa ses doigts dans les miens. J'avais du mal à me dire que je devrais passer mon bras autour de son coup et qu'il m'enlacerait la taille. Je ne réalisais pas que nous serions collés l'un à l'autre toute une danse... Mais pourquoi avais-je accepté ? Pour la simple et bonne raison que je n'avais pas le choix. Si j'avais décliné, surtout à mon promis, il m'aurait fallu une excuse qui tînt et pas un simple « non ». Encore, il m'aurait été facile de ne pas accepter de la part d'un simple noble en utilisant l'excuse d'être promise, mais comment employé cette même excuse face à son futur époux lui-même ? C'était tout bonnement impossible à moins de vouloir avoir l'air ridicule. Et je ne voulais pas passer pour une idiote. Tout sauf cela alors, je pris une grande inspiration et me laissais faire, c'était le meilleur moyen pour éviter toute catastrophe. Au moment où il me serra contre lui et malgré toute ma préparation mentale, je ne sus retenir une sorte de cris étouffé, mi-surprise, mi-honteuse. Mes joues s'empourprèrent et je tentais par tous les moyens de baisser les yeux pour qu'il ne me vît pas ainsi. Tentative futile, stupide, inutile tout ce que vous voudrez, tout ce que je réussis, ce fut le faire rire.
La musique commença et pour ne pas me tromper, je fermais les yeux, le laissant me guider. Je m'arrangeais pour qu'il ne supporte pas mon poids, mais qui qu'il dirige tous mes pas en faisant simplement les siens. Plus les secondes passaient, plus je me sentais à l'aise à son contact. Quand je sentais mes muscles suffisamment décontractés et que nous étions correctement en rythme avec la musique, je tentais de me remettre en phase avec la réalité en ouvrant le plus naturellement possible les yeux. A peine les avais-je maintenus ouverts deux secondes que je les refermais. Tous ces gens autour de nous, se mouvant eux aussi, me donnaient un haut-le-cœur, j'étais mieux sur mon nuage d'irréelle. Le temps s'égrainant lentement, je ne savais plus vraiment ce que je faisais... Etais-je réellement en train de danser, ou de tomber amoureuse ? Comment en être sûre dans un moment pareil ? Tout ce que je savais c'était que je commençais à prendre plaisir à ce jeu et que contrairement aux instants précédents, je voulais qu'il continuât, longtemps.
A la fin de la musique, je me surpris à avoir collé ma joue gauche contre sa poitrine. Je ne m'en étais pas rendu compte non plus, mais il avait renforcé son étreinte sur moi. L'avais-je vraiment laissé faire ? Que c'était-il passé ? Combien de temps c'était écoulé ? Le sourire sur son visage était différent, serein et doux. La lumière de son regard aussi était différente, mais je n'aurais cette fois pus dire de quoi il en retournait. Et moi ? Portais-je la même expression ? Semblais-je aussi calme et comblée ? J'aurais aimé le savoir, mais je me serais sentie ridicule à lui demander. Avant que j'eusse le temps d'ouvrir la bouche ou de me défaire de ses bras, je l'entendis me chuchoté :
- Une autre ? - Vous aviez dit une ! Lui répondis-je avec plus de malice qu'autre chose.
Il me lâcha - à contrecoeur ? Je retournai à la table et je trouvais Melinda, toujours assise, seule. Une ironie me brûlait les lèvres, mais je refusais de faire du tort à mon frère en le faisant passer pour un idiot qui pense à tout sauf sa promise. Effectivement, dans le cas présent, me taire ferais son bien. Nous discutâmes encore un peu avant de décider chacune de notre côté qu'il était tard et qu'il nous fallait regagner nos chambres. Je cherchais du regard Arthur, mais je ne trouvais pas. Un peu surprise, je haussais les épaules, il avait déjà dû regagner ses appartements. Cela ne m'intriguait pas plus que ça dans la mesure où, du haut de ses seize ans, il était suffisamment grand pour savoir ce qu'il faisait.
En passant à son étage, je ne me préoccupais même pas de regarder si de la lumière filtrait sous sa porte. Il connaissait bien les lieux et puis il pouvait très bien déjà dormir. Oh, cela pouvait ce révélé surprenant, mais ce n'était pas pour autant improbable. Et puis je n'avais strictement aucune idée de l'heure qu'il était et j'avais remarqué que plusieurs familles étaient reparties. Alors où était le mal ? Nulle part, je me faisait des idées. Je ne savais pas des idées. Je ne savais pas quel était sa réaction vis-à-vis de Melinda, mais il avait sans doute seulement besoin de réfléchir, comme moi, et la nuit porte conseil dit-on.
Je regagnai mon étage et pénétrais dans ma chambre. Les bougies étant éteintes, je pris soin de laisser la porte grande ouverte de manière à ce que la torche installée juste en face éclaire correctement la pièce. Sur mon bureau, je récupérais le chandelier et allai l'allumer avec le feu de la torche. Ensuite, je retournais à l'intérieur et utilisai le chandelier pour allumer les petites bougies disséminées à des endroits stratégiques de l'endroit. Aidée d'une bonne que j'avais réveillées en passant dans le couloir, je me déshabillai, retirai mon corset et enfilais une de mes nuisettes. Je m'allongeai sur mon lit et demandais à la bonne d'éteindre les bougies en sortant. Elle s'exécuta et ferma la porte derrière elle, me laissant seule dans le noir, beaucoup trop d'idées en tête pour m'endormir... Effectivement, le sommeil mit longtemps à venir. Mais les bras de Morphée finir par l'emporter sur les évènements, me plongeant dans un sommeil bienfaiteur et surtout libérateur...
Au petit matin, un peu trop tôt à mon goût, mais je ne parvenais jamais à dormir avec les rayons du soleil sur mon visage ou même dans mon dos. Le sommeil ne m'avait pas donné de solutions à proprement parler, mais au moins, je ne me sentais plus prisonnière de mes sentiments. Pour le moment... après avoir mis une tenue de jour, quoique pas le corset et descendit au petit déjeuner.
Rien d'anormale, rien de trop normal... Les minutes défilèrent, puis les heures et enfin les journées, retrouvant cette sorte de routine familière. Mes journées s'occupaient par la musique, les discutions avec Miss Melinda devant le piano, les parties de cache-cache en famille... Et... Peut-être un peu trop de temps avec le jeune anglais... Mais plus nous restions ensemble, plus je le voyais comme un formidable mari à venir. Galant, aimable, gentil mais, aussi assez tumultueux et loin d'être de ceux qui se laissaient marcher sur les pieds. J'aimais ça. J'apréciais ses qualités, j'ignorais ses défauts, personne ne pouvait être parfait.
Puis finir par arriver le jour de leur départ pour retourner en Angleterre. Le départ faillit être reporté, Miss Melinda semblant un peu souffrante. Mais cette dernière insistait sur sa pleine santé, ils partirent pour chez eux le jour voulu. Le voyage serait long et je ne comprenais pas son insistance pour rentrer quand même. Mais je pouvais en revanche comprendre son attachement à sa demeure, moi-même, je n'aimais pas rester trop longtemps éloignée D'Annecy. Il eut été convenu que nous viendrions leur rendre visite dans environ un mois, le temps d'organiser le départ. Eux, de leur côté, prépareraient simplement notre arrivée.
Je soupirai. Nous devions partir demain, mais si la neige persistait, il me faudrait attendre avant de revoir mon promis... Comment allait Miss Melinda, depuis son départ ? Et lui ? Comment allait-il ? Pendant ce long mois, avait-il fait la connaissance de quelqu'un ? Une femme, par exemple ? Quelqu'un préférerais à moi ? Il pouvait ce passé tant de choses, en un mois et... Et pourquoi pensais-je à ça ? Qu'est-ce qui me prenais de penser ses choses-là ? Il était si facile de trouver quelqu'un que l'on préfère à son promis ou sa promise... Je ne pourrais pas lui en vouloir d'avoir fait des conquêtes en mon absence et puis même si j'étais là, je ne pourrais pas lui en vouloir. Je n'étais que celle à qui il devait se marier sous la contrainte, pas l'élue de son coeur...
Comme un mois au pare avant, ma mère fit éruption dans ma chambre. Je sursautais et me retournais vers elle. Elle portait la même expression en colère et de contrariété. Elle me servit le même sermon sur le temps que je passais à la fenêtre. Mais cette fois, je n'eus pas même le temps m'énerver après elle en pensée qu'elle avait déjà changé de sujet.
- Finalement, Violaine, nous partons ce soir, annonça-t-elle, presque solennellement. La neige couvre tout et si elle couvre la route, nous devrons reculer le départ, mieux vaut l'anticipé. Rassemble tes affaires, le cocher attèle déjà les chevaux. - Tout est déjà près, mère, j'ai, ce matin, tout préparé pour demain, lui expliquai-je. Je vais simplement demander à une bonne de descendre la malle. - Bien, au moins une bonne chose de faite, je vais aller prévenir ton frère. J'espère que lui aussi a eu cette initiative...
Elle sortit, me laissant livrée à moi-même. Je passais à mon tour la porte pour aller chercher une femme de ménage qui descendrait mes affaires. Ce fut avec beaucoup de peine que je me retins d'écouter la conversation qui se tenait entre eux, elle semblait bien tumultueuse... Mais j'étais non seulement la plus jeune de la famille, mais en plus une femme. Contrairement aux hommes, je devais surveiller mes moindres fait et gestes pour ne pas m'attirer d'ennuie. Ne disposant d'aucun pouvoir politique ou simple emprise sur qui que ce fut, je me devais encore plus de rester sur mes gardes. Le temps de l'aller-retour, ma mère était partie, mon frère et son majordome discuter sur le pas de la porte. Cette fois, je ne pus m'empêcher de tendre l'oreille. Le sujet de la conversation, je le - plutôt la - connaissais relativement bien : sa promise, Miss Melinda...
- Vous avez bien agît comme je vous l'ai demandé, j'espère. Menaça - ou presque - Arthur. - Oui, monsieur, affirma-t-il avec autant de conviction qu'il en avait, si elle n'est pas encore morte à notre arrivée, elle sera plus que mourante. - C'est certain ? - Oui, monsieur, certain. J'ai choisi un poison lent mais efficace. Et surtout incurable. - Bien. Très bien, même. Je n'aurais pas à me marier avec cette pure inconnue, anglaise, qui plus est ! Que mes parents aillent au diable ! - Je vous comprends, monsieur, mais pourquoi avoir été jusqu'à vouloir sa mort ? Il y avait d'autres façons de vous faire entendre. - D'autres façons ? Mais lesquelles ? J'ai essayé de parler à mes parents, de leur dire que je ne voulais pas de promise, que ma bien aimée était de la lignée d'un comte, mais ils n'ont rien voulu entendre ! Si tu as bien choisi le poison, cela passera pour une simple maladie et ainsi je n'aurais plu qu'à demander à ma belle Amanda d'en toucher mot à sa mère. Ainsi, notre mariage pourra se faire. Sans le moindre souci.
Je n'en revenais pas mes oreilles ! Non seulement mon frère fréquentait quelqu'un en dehors du château, mais en plus, il avait fait empoisonner Miss Melinda pour obtenir le droit d'épouser cette Amanda ! Cela ne lui ressemblait pas. Non, pas du tout. Mais je finis par réaliser que je le connaissais à peine. Malgré qu'il fût mon grand-frère nous ne nous parlions pas beaucoup et nous étions assez distants. Bien sûr, nous nous entendions bien - jusqu'à maintenant - mais rien ne nous liais mis à part le sang. L'amour pouvait nous faire faire des choses horribles, mais de là à tuer... Il aurait très bien pu fuir ou se rebeller. Même s'il était banni pour s'être opposé à sa famille, il suffisait qu'elle en fasse autant pour qu'ils puissent vivres ensemble... Son majordome avait raison, il y avait d'autres moyens ! Je ne comprenais même pas comment il eut osé prendre part à un tel complot. Après tout, c'était lui qui avait donné le poison à ma jeune Wells, pas mon frère. Mais d'un autre côté, il n'avait sans doute pas eu le choix et s'il avait désobéis, mon frère se serait chargé de le faire renvoyer. Mais au moins la sœur de mon promis serait-elle toujours en bonne santé... Quoique peut-être pas pour longtemps vu notre déplacement. Mais j'aurais eu le temps de l'avertir, de lui dire quitte à déshonorer mon frère, j'aurais pu l'empêcher de prendre une vie... Mais il était trop tard.
Je retournais dans l'entrée, la famille n'attendait plus que moi. Je mis mon plus beau manteau de fourrure et nous sortîmes du manoir. Pendant tout le temps où nous longeâmes l'allée, pas un seul mot ne fut échangé, pas même par mes parents. Cela aurait été surprenant, si le froid ne nous faisait pas nous recroqueviller sur nous-mêmes. Je regardais les traces que nous laissions sur notre passage elle était les seules faites depuis que la neige avait commencée de tomber. Tous nous étions réfugiés à l'intérieur, oubliant jusqu'au printemps les cache-cache dans les jardins, le temps passé parmi les fleurs, les séances de croquis à l'ombre d'un saule... C'était les plaisirs de l'été et non ceux de l'hiver. Plus rien ne viendrais animer nos vies jusqu'au retour de la belle saison. Rien sauf peut-être, cette fois, le voyage que nous entreprenions. Je redoutais ces longues heures de voitures avec ce que je savais maintenant. Si Arthur m'adressait la parole, que serais-je censée faire ? Lui répondre comme si de rien n'était ? Sans aucun doute, dans la mesure où le sujet est anodin. Mais s'il s'agissait de Miss Melinda ? Devrais-je faire également semblant de rien ? Cela devait être la solution la plus raisonnable, pensai-je.
Nous montâmes tour à tour dans la calèche ; Père le premier, puis Mère, ensuite mon frère et pour terminer, moi, la dernière de la lignée, mais surtout la dernière en importance. Je n'étais pas sans l'ignorer, une fois mariée à Timothy, je ne représenterais strictement plus rien, pour eux. Il en était ainsi, il n'y avait que les fils qui avaient une valeur, parce qu'ils gardaient leur nom et continuaient la lignée. Les filles, plutôt ils s'en débarrassaient, mieux ils se trouvaient, dans la mesure où elles ne représentaient strictement rien. Au mariage, elles changeaient de nom et continuaient la lignée qu'elles rejoignaient, pas la leur. Comme toutes les autres je n'étais rien de plus qu'un don à faire à une autre famille, presque l'égale d'un objet que l'on vend. Et encore, vendre un objet fait gagner de l'argent, une fille en fait perdre avec la dot. Un fardeau, voilà un mot qui correspondait davantage. Un boulet à trainer longtemps avant de pouvoir le donner à une autre famille qui l'utiliserait pour sa descendance. Notre monde était pathétique et je n'étais qu'un pion sans influence. Nous, les femmes, n'étions que des pions, des outils, dont les hommes avaient besoin mais laissaient sans intérêt notable. Tous autant qu'ils étaient pensaient la même chose et ce n'était certainement pas moi qui saurait y changer quoi que ce fut. J'étais une femme et qu'importerais mon avis, mes enfants subiraient le même sort. Timothy était quelqu'un de bien, mais je doutais que son avis déroge de celui de nos familles...
Mais que pensais-je ? Non, même s'ils ne respectaient pas toujours nos avis, nos parents nous aiment et tenaient à nous ! Ils nous avaient appris tout ce que nous savions - ou presque - et étaient nos modèles. Nous leur devions tout et surtout notre existence même. Je n'avais pas le droit de penser cela. Je n'avais pas le droit de dire ou simplement supposer des choses pareilles. Je ne me savais pas aussi mauvaise envers ma propre famille. Je ne me comprenais absolument pas d'avoir osé me hâter à de telles conclusions. Elles étaient infâmes, dégradantes mais aussi complètement fausses. Les choses recommençaient à se mélanger dans ma tête comme le premier jour de la visite des Wells. Si je ne me contenais pas mieux que je ne l'avais fait, je finirais complètement folle et je ne devais surtout pas devenir comme ça. Mon rang ne me le permettait pas et je le devais à l'honneur de ma famille. Et à Timothy, aussi... Que ferait-il d'une femme aliénée ?
La calèche démarra d'un claquement de chambrière émis par le coché. Nous nous embarquâmes pour un trajet long de quatre jours, bateau compris. Les Auberges où nous stoppâmes étaient toutes de bon accueil et les gens qui s'y trouvaient sans doute de hautes classes sociales également. Les discutions entre Père, Mère et d'autres clients ou clientes se trouvaient bien fréquentes, seulement, celles entre mon grand-frère et moi-même avaient complètement disparues. Comment lui parler encore après ce qu'il avait fait à mon amie ? C'était une très bonne question à laquelle je ne saurais pas répondre. Je ne saurais le haïr, il était de ma famille et avait tout mon respect, avant. Mais maintenant, même si nous partagions le même sang, je ne savais plus si je le respectais de la même manière, ni plus simplement si je le respectais encore. Mais sachant que pas moins de deux mois, je serais séparée définitivement de lui, la question me paraissait de plus en plus stupide.
A mesure que nous avancions, mon contentement augmentait, je trépignais d'impatience à l'idée de voir le manoir de la famille Wells. Après tout, j'y vivrais plusieurs années, autant que j'y prisse rapidement mes marques. J'espérais aussi de tout coeur que Miss Melinda était toujours en vie, je souhaitais lui dire au revoir. Et puis peut-être, si l'occasion se présentait, lui dire toute la vérité... Peut-être... Non, tout compte fait, je ne voulais pas qu'elle ne veuille à mon frère d'aimer une autre. Ce qu'il avait fait était loin d'être bien, mais je pouvais presque le comprendre. Je ne voulais pas risquer de le déshonorer si jamais quelqu'un m'entendais. Désolé, Melinda, je ne t'en parlerais qu'au Paradis.
Notre calèche finie par arrivée, les serfs de la famille s'occupèrent de nos bagages et nous entrâmes dans la demeure anglaise. De très bon goût, elle s'apparentait bien plus à la nôtre que je ne l'aurais cru. Le sol en marbre, les mosaïques au plafond, les lustres... Je m'habituerais sans doute plus vite que je ne le pensais au départ. L'accueille était quasiment le même que celui que nous leur avions réservé à leur arrivée chez nous. Toute la famille était devant nous dans l'entrée, à échanger des mondanités entre adulte. Toute la famille, sauf, bien évidemment, Miss Melinda. Faussement innocent, mon frère mis toutes les chances de son côté pour ne réellement pas être accusés en faisant mine de la chercher. Quand il « appris » qu'elle était malade, il demanda aussitôt à être amenée à son chevet.
De notre côté nous fûmes amenés jusqu'à nos chambres. Une fois que je fus sûre que mes parents se changeaient pour le bal que les Wells avaient organisé à leur tour pour nous recevoir, je demandai à une bonne de me conduire jusqu'à la chambre de mon amie. Le manoir se révéla plus tortueux qu'il ni paraissait, j'aurais besoin d'être assez longtemps escortée pour prendre mes repères... Mais j'étais certaine de pouvoir compter sur mon promis, alors je ne m'inquiétais que de connaitre ce chemin de façon à pouvoir moi-même guider Arthur jusqu'à sa chambre. J'avais conclu avec ma petite personne que je ne révélerais pas la vérité à Miss Melinda, mais une confrontation directe avec mon grand-frère semblait inévitable si je voulais au moins avoir bonne conscience. Et je savais bien que je ne supporterais pas de ne pas m'être expliquée au minimum avec lui. Je devais tout essayez pour lui faire comprendre son erreur. Je savais qu'il était trop tard pour qu'il essayât de la réparer, mais au moins qu'il sût ce qu'il risquât si, par exemple, un jour la vérité venait à m'échapper. Bien entendu, cela n'arriverait jamais, mais il valait mieux qu'il soit prévenu. Et puis il ne me ferait jamais rien à moi, j'étais sa petite sœur, celle qu'il avait plus tendance à protéger qu'à agresser. Non, contrairement aux autres, je ne risquais rien, alors autant tout essayer.
Une fois arrivée, je vis Arthur jouer en toute impunité son cirque de promis épeurer. Il aurait fait un très bon acteur ceci étant dit, il aurait fait un excellent acteur. Je n'aurais pas entendu sa discussion avec Alexandre, son majordome, il ne lui aurait pas fallu longtemps pour me prendre dans son petit manège. Mimant de ne pas moi voir arriver, ni entrer, il sursauta quand je me trouvais au niveau du lit où la pauvre demoiselle était allongée. Décidant que mon apparition n'était pas de grand intérêt, il reporta son regard sur sa promise. Enfin... Si elle pouvait encore être considérée comme apte à se marier... Une ou deux minutes passèrent dans une sorte de recueillement anticipé, puis il se leva de son tabouret, bien décidé à appeler une dame de ménage. Je me dirigeai comme lui vers la porte et lui coupais la parole avant qu'il ait le temps d'interpeller quiconque.
- Ne cris pas, je prévins-je à voix basse, il ne faudrait pas la réveiller. Je vais te mener jusqu'à ta chambre, moi, je connais le chemin.
Il se contenta de hausser les épaules et de me laisser passer devant lui. Je le guidais comme prévu et après m'être effacée quelques secondes le temps de le laisser rentrer et croire que je m'en retournais me changer, je rentrais à sa suite. Je ne pris que quelques secondes à faire un tour d'horizon, toutes les chambres de l'aile étaient strictement identiques. Il me regarda d'un air interrogateur et semblait choisir ses mots pour me renvoyer dans la pièce qui m'avait été attribuée. De mon côté, je jouais la carte de la finesse en plaidant du regard l'innocence. Je fermai la porte derrière moi et de nouveau pris la parole avant mon frère.
- Alors ? L'interrogeai-je d'un ton accusateur. Fière du résultat ? - Pardon ? - Je sais tout concernant l'empoisonnement de Miss Melinda. - Quel empoisonnement ? Elle est tombée malade, personne n'y peut rien. - Si c'était réellement une maladie, comment expliques-tu que personne, pas même un simple domestique ne soit tombé malade également ? - Elle est sans doute un peu fragile, rien de plus. - Il y a bien d'autres infections qui l'auraient achevée depuis longtemps, si c'était réellement le cas.
D'un regard, il comprit qu'il avait perdu d'avance cette bataille et que je savais exactement ce que je disais. Je ne laissais pas les émotions me dépasser, mais en revanche, je leur permettais de prendre possessions de mes gestes de manière à avoir l'air convaincu sans pour autant fondre en larmes devant son acte inconsidéré. Je ne modérais surtout pas ma colère et je lui attribuais davantage le regarde manière à ne pas me laisser baisser les yeux face à lui et ainsi avouer une petite défaite ou un manque d'assurance. Il grogna légèrement, ne sachant certainement pas comment réagir vis-à-vis de moi et de ce que je savais. Je ne bougeais pas, appuyée sur le chambranle de la porte, j'attendais de voir sa réaction et m'avisais de ne pas perdre la face.
- Comment sais-tu tout ça ? Reprit-il essayant de maintenant sa hargne loin en lui. - Il est si facile de laisser ses oreilles trainer quand les autres discutent à la limite entre une pièce et un couloir. - Pourquoi m'en parler directement et ne pas le dire aux deux familles ? - Principalement pour deux raisons : la première étant que l'on ne me croirait jamais sur des accusations aussi énormes et l'autre que je tiens à toi et ne veux pas t'attirer plus d'ennuis que tu ne t'en causeras seul. - Comptes-tu réellement garder toute cette histoire secrète ? - Oui. Et ne t'embête pas à me le demander, j'en suis sûre et certaine. Je voulais simplement que tu réalise ton erreur et je ne tiens certainement pas à te nuire.
Il semblait en douter, mais d'une certaine manière, je ne pouvais pas lui en vouloir sur ce point. Il avait même presque raison d'être méfiant, mais j'avais mes principes et parmi ceux-ci celui qui dit que « la famille est sacrée » et donc, m'interdisait de lui causer le moindre problème. Ou plutôt problème d'envergure, devrais-je dire, car toutes les petites chamailleries et prise de bec que nous avions vécues restaient des problèmes. Qui ne correspondaient pas à grand-chose, mais d'une certaine manière, des ennuis.
Voyant qu'il ne disait plus rien et ne faisait plus qu'attendre que je partisse pour commencer à se changer pour le bal, j'entrouvris la porte pour vérifier qu'aucun serviteur ne passait par là au même moment. Me voir sortir de la chambre de mon frère alors que la porte était fermée pourrait être étrangement interprété. Je regagnais donc ce que l'on pourrait appeler mes appartements s'ils étaient plus spacieux et ne se constituaient pas que d'une chambre de manière à me changer rapidement. Rapidement... Il était facile de le dire, mais bien moins de le faire surtout quand on porte un corset qui entrave énormément les mouvements de notre dos. Je descendis finalement avec un retard certain mais pas tant que cela et il ne se remarqua même pas que mon entrée fut tardive. Je n'en étais pas mécontente et cela me permettait de ne pas avoir à inventer d'excuse pour en justifier. Je me fondis dans la masse et suivis le mouvement qui menait jusqu'aux tables. Je laissais le repas se dérouler en silence, ou presque. Disons que le silence était complet de ma part, mais également de celle de mon promis et de mon frère - exception faite d'un « Je te sers ? » concernant un simple verre d'eau - mais le moral n'était pas au beau fixe étant donné l'état de Miss Melinda.
Je ne sais plus pourquoi, juste après le repas, je vis mon frère rejoindre Alexandre. Peu rassurée, je le suivis discrètement et écoutais pour la seconde fois sa conversation avec son majordome. Je manquais le départ de la conversation mais je savais que le reste m’éclairerait beaucoup sur le sujet. Je me concentrai sur leur conversation pour ne pas me laisser distraire par les bruits de la salle de réception, je ne devais plus manquer un seul mot de ce qu’ils disaient et si le sujet ne m’intéressait pas, il me suffirait de retourner incognito prendre part à la foule.
- Qu'avez-vous fait, monsieur ? S'exclama-t-il, ahuri. - Ne parlez pas si fort ! Et puis ne remuez pas le couteau dans la plaie, Alexandre. M'en prendre à ma petite sœur est suffisamment difficile sans que j'eusse à subir de reproches.
Sa voix n'était qu'un murmure mêlant la honte, la peur et le regret. Que m'avait-il fait ? Pourquoi parler ainsi ? Il semblait redouter quelque chose, mais quoi ? La peur s'empara de moi et j'ouvris grand les oreilles.
- Excusez-moi, monsieur... Mais pourquoi avoir fait ça ? - Je ne pouvais pas risquer de la laisser en vie avec ce qu'elle sait... Et puis elle devrait mourir vite et sans souffrance, pendant la nuit. Contrairement à ma promise, je n'ai strictement rien à lui faire payer, même de manière indirecte, mais elle représente un risque que je ne suis pas en droit de négliger...
Mon coeur battit à tout rompre dans ma poitrine. Mon propre frère m'avait empoisonnée ? Comment était-ce possible ? Etais-je réellement devenue une menace pour lui ? Un danger au point de devoir être éliminée ? Je lui avais donné ma parole de ne jamais rien dire, me pensait-il sans honneur pour ne pas me croire ? Ce n'était pas possible, je ne pouvais être que dans un mauvais rêve. Un terrible cauchemar duquel je sortirais rapidement. Le fruit de mon imagination débordante simplement. Il ne pouvait s'agir de rien d'autre. Jamais il ne me ferait cela à moi, sa petite soeur, celle qu'il eût tant protégée, autant de nos parents que des monstres auxquels on croit quand on est enfants...
Je regagnai le plus calmement possible ma place à table et tentai de me contrôler. Il me suffisait d'attendre un peu que je me réveille et rien ne se passerais. Je n'avais qu'à me montrer patiente, attendre que le soleil se lève et que je me trouve dans ma chambre au manoir D'Annecy. C'était tout ce que je pouvais faire pour m'en sortir. La tête baissée, les lèvres pincées, le regard vide et les bras crispés sur mon ventre, j'attirai malgré moi l'attention de Timothy qui vint s'asseoir à côté de moi. Il attendit un instant, espérant sans doute que je réagisse à sa présence, mais je n'en fis rien, je restais muette, priant pour ouvrir rapidement les yeux. Je ne vis pas le regard qu'il me portait, mais il devait être soucieux, car lentement, je le vis avancer sa main vers mon visage pour me recoiffée. C'était la première fois qu'il agissait comme ça, je fermais les yeux pour m'obliger à croire que ce n'était que le fruit de mon imagination. Trop préoccupée pas l'effet de son acte que je ne l'entendis pas quand il m'adressa la parole.
Mais le calme de son geste, la chaleur et la douceur de sa main... Tout cela était trop réel. On ne peut ressentir tout cela quand on rêve. Non, ce sont des sensations corporelles et durant notre sommeil, ces sens sont au repos et nous rendaient incapable de les ressentir. Alors, cela voulait dire que je ne dormais pas... Cela signifiait que j'allais réellement mourir... Ma respiration devint saccadée et douloureuse, étais-ce l'un des premiers effets du poison que m'avait fait ingérer Arthur ? Si c'était le cas, je ne devais pas rester ici, je ne devais pas risquer de rendre mon dernier souffle au milieu de l'assemblée, c'était bien trop risqué et je ne voulais effrayer personne.
Ni une ni deux, je filais comme une flèche à travers la salle et m'enfonçais dans le dédale des couloirs. Il fallait que je regagne ma chambre, c'était le seul endroit où je pouvais me réfugier ici. Chez moi, ce serait la salle de musique qui m'aurait servie de cachette, mais dans ce manoir, je ne savais pas où elle se trouvait et je ne voulais risquer de me perdre tout ça pour simplement trouver un piano qui n'était même pas le mien. Adieu la musique, adieu la vie et ses plaisirs. Cette idée m'attrista au plus haut point et je ne sus retenir les larmes qui perlaient à mes yeux. C'était trop difficile pour moi. J'aurais préféré subir une mort lente et douloureuse, me laissant ainsi le temps de réaliser que ma fin était proche. Là, je n'avais le temps de dire au revoir à personne ni même de m'adonner une dernière fois à mon art. Tant pis, je n'avais pas le choix.
Arrivant dans l'aile des invités, je montais l'escalier qui montait au premier étage et m'engouffrai dans le long couloir. Le regard embué, retrouver la bonne porte fut pénible, mais cependant pas si long. Je rentrai vite et claquais la porte derrière moi. Ne comptant pas restée debout et ne disposant ni de secrétaire, ni une simple chaise, je me dirigeai vers mon lit pour m'y asseoir. J'avais beau tout essayé, je ne parvenais pas à redevenir maitresse de mes actes, rien n'y faisais, je ne pouvais même pas arrêter de pleurer. Ce manque de contrôle était-il lui aussi lié au poison ? Aucune idée, mais qu'est-ce que cela importait, de toute manière ? Dans seulement une heure ou deux, je ne serais plus de ce monde, alors autant me laisser aller complètement, oublier toutes règles de convenance, m'endormir pour ne pas souffrir. La dernière mention était une possibilité bien attirante, mais comment trouver le sommeil, quand des sanglots nous étreignent ?
Quelqu'un frappa à la porte. Je savais de qui il s'agissait. Il n'y avait qu'une personne qui m'avait vu quitter la salle de bal. Il n'y avait qu'une personne qui savait que je n'étais pas normale. Il n'y avait que lui qui ait eu le temps de le remarquer. Il n'y avait que Timothy. Mais pourquoi m'avait-il suivie ? Qu'est-ce que ma santé et même plus largement mon existence avait d'importante pour lui ? Rien, je n'étais que sa promise, une fille qu'il ne connait que de nom. Avec qui, certes, il eut dansé, mais par pur convenance, j'en étais convaincue. Je n'importais pas à ses yeux et c'était mieux ainsi. Comme ça, ma disparition ne lui ferait rien, ne l'atteindrais que peu. Tout serait plus facile de la sorte. Je ne voulais pas que ma mort cause de soucis à quiconque. Oui, il était évident que mes parents seraient affectés par ma disparition, mais il ne pouvait pas en être autrement. Mon frère, je me fichais qu'il fut affecté ou non, il était mon assassin.
- Violaine, je peux entrer ? M'interrogea mon promis à travers la porte.
Non. Non, je ne voulais pas qu'il entre, je ne voulais pas qu'il me vît dans cet état. Mais je ne pouvais rien dire, je pleurais trop pour esquisser un mot audible. Encore une fois, je savais que sans réponse, il finirait par venir me rejoindre oui, je le savais. Mais je n'étais pas en mesure de faire le moindre geste volontaire.
- Qui ne dit mot consent. M'avertit-il.
Je connaissais bien cette phrase, mon frère l'utilisait souvent quand il me posait des questions indiscrètes auxquelles je ne voulais pas répondre. Je rejetais rapidement ces souvenirs. Le moment n'était pas venu de penser à mon frère, j'aurais tout le temps de me pencher sur son cas, dans l'autre monde. Même si je ne lui étais pas rancunière de vouloir ma mort, je ne voulais pas qu'il occupe mes dernières pensées, je voulais penser à ceux que j'aimais et que j'allais laisser de côté. Ceux, de France, que je ne reverrais jamais, Miss Melinda, qui avait subi un sort pire que le mien... C'était à eux que je voulais vouer mes songes, en ce moment. Mes parents également seraient tristes et je les comprenais parfaitement. Mais je souhaitais de tout mon coeur qu'ils ne sussent jamais l'identité du responsable de ma mort. Je refuse qu'il payât le prix fort par amour pour quelqu'un. Nous avions tous le droit à l'amour et le sien était voué à cette Amanda, rien de plus, rien de moins. Il en était simplement un jeune homme ordinaire et je lui souhaitais le bonheur avec sa dulcinée, il y avait le droit, comme tout un chacun.
La porte bascula sur ses gonds, mon promis passa la porte. Moi qui n'avais déjà pas la tête bien haut la baissais encore davantage, laissant tombé ma chevelure hybride de châtain et de blond de part et d'autre de mon visage pour le cacher le plus possible à son regard. Mes yeux rougis et ma mine de déterrée m'auraient désespérée si je n'avais pas plus important à me préoccuper sur le fait. Timothy vint en silence sep lacé à côté de moi, sur le lit. J'essayais de nouveau de mettre fin à mes pleurs, mais je ne fis que faire augmenter mes sanglots. Serais-je vraiment en larme jusqu'à la fin ? C'était bien parti pour, malheureusement. Mais ce n'était pas ce que je souhaitais, moi. Je voulais finir ma vie avec dignité, pas en pleurant comme si j'étais effrayée par l'idée de mourir. Et encore, ce n'était même pas « Comme si », je l'étais. J'avais peur, très peur, je ne voulais pas rendre l'âme maintenant, il me restait tant à faire, à voir, à vivre... Il passa son bras dans mon dos, doucement, tendrement, avant de bloquer sa prise sur le creux de ma hanche. Je ne réagis pas, me laissant faire. J'étais énormément partagée entre deux sentiments que je ne savais pas lequel laissé prendre le dessus. D'un côté, je ne voulais pas qu'il me témoigne tant d'affection, car cela signifiait qu'il tenait à moi et qu'il souffrirait de mon départ. Mais d'un autre côté, peut-être que de me savoir soutenue m'aiderais à arrêter ces larmes qui ne cessaient de rouler sur mes joues. D'un seul coup, il m'attira vers lui, sans me laisser le temps de faire le moindre mouvement. De toute manière, je n'aurais pas réagi, je l'aurais laissé me coller à lui. De nouveau, plusieurs minutes passèrent, si je ne pleurais pas, le silence serait assourdissant autour de nous. Je préférais nettement mes sanglots à être complètement muette. Au moins, je n'avais pas l'impression d'être déjà passée dans l'au-delà. N'ayant plus rien à perdre, je me laissais allée à poser ma tête sur son épaule. Lui aussi ne fit pas signe de refus et je lui en étais bien reconnaissante.
- S'il te plaît... Arrête de pleurer...
Sa demande me fit abandonner définitivement toute barrière envers lui, mais ne parvint pas à taire mes larmes. Puisqu'il le voulait, me confronter au silence n'était plus un problème, mais je n'y parvenais pas. J'y mettais pourtant de la bonne volonté, je me forçais à le prendre comme attache à ce monde et de lutter contre ma mort, pourtant inévitable, mais rien ne parvenais à me redonner suffisamment d'espoir pour au moins me rendre muette. J'espérais qu'il me pardonnerait. Je ne pouvais plus rien y faire, je capitulais sur ce point, sachant de jusqu'à ma fin, je ne saurais pas me raccrocher à quoi que ce fut assez de temps pour sécher mes yeux.
Quelques instants, je ne saurais dire précisément combien, je me détachais complètement de la réalité, croyant que je ne reviendrais plus, mais ma conscience regagna mon corps et je retrouvais les sensations du réel. Je me trouvais à présent sur les genoux de mon promis, il me tenait le dos pour m'empêcher de basculer en arrière. Je sentais son regard sur moi, mais me trouvais incapable de tourner la tête pour le soutenir. C'était un énorme manque de courage de ma part, mais j'avais déjà dépassé les limites du supportable, je ce comptais pas faire durer le calvaire plus longtemps. Tournant la tête pour éviter ses yeux, je passais mes bras au tour de son coup et collais ma poitrine contre la sienne. Je sentais son cœur battre fort dans sa poitrine, mais je savais que le mien en faisait autant, alors je n'y prêtais que peu d'attention.
- Je t'en prie, Violaine, Arrête de pleurer... Me supplia-t-il. Ou dis-moi quelque chose, mais ne me laisse pas comme ça... Je...
Cette fois, même si mes si mes larmes continuèrent d'humidifier mon visage, mes sanglots se turent, c'était déjà un progrès considérable. Prenant à leur hauteur mes efforts, il glissa ses mains sur mes hanches et referma m'entoura presque de la même manière que quand nous dansions. C'était un joli souvenir, celui-là. Encore un moment de flottement nous rapprocha l'un de l'autre par l'absence d'entrave, autant physique que morale. Quoi qu'il nous arrive, nous ne risquions rien étant donné que nous étions promis l'un à l'autre. Plus pour longtemps, mais tant que j'étais en vie, nous étions liés, au futur, mais liés quand même. Je ne voulais plus me défaire de lui jusqu'à la dernière seconde de mon existence. Oui, j'étais égoïste, cette fois, car je lui ferais énormément de mal à mourir ainsi dans ses bras, mais je refusais d'en finir seule. Déjà était-il dur de devoir quitter si jeune le monde des vivants, mais si en plus, il fallait tirer seul un trait sur toute sa vie, s'en était trop. Je ne lui murmurais pas d'excuse anticipé, j'avais peur de sa réaction, j'avais peur de recommencer à sangloter aussi fort que c'était le cas avant.
J'ignore pourquoi, il se décida lui aussi à briser la glace et laissa sa main caresser mon dos. Si la situation n'avait pas été aussi délicate, j'aurais au moins souris. Mais à l'aube de dire adieu, comme parvenir à se réjouir que quoi que ce fût ? Sans aucun doute y eut-il des personne qui en fut capables, mais ce n'était pas mon cas. Peut-être me laissais-je abattre un peu facilement ? Peut-être étais-je beaucoup plus fragile que je ne le croyais ? Peut-être nous en demandais-je trop autant à lui qu'à moi ? Je savais qu'il faisait de son mieux pour me consoler... Mais je savais aussi que je ne pourrais jamais être heureuse, alors pourquoi ne pas simplement lui épargner tout ce mal ? Le laisser partir et restée seule ? Pour la simple et bonne raison que j'étais égoïste, jusqu'au bout. Puisque je refusais ma souffrance quand bien même il fallait faire du mal aux autres. La nature humaine était ainsi faite. Et qu'importe ce que l'on dit, personne n'y déroge. Pas même les personnes les plus humbles de ce monde.
Doucement, mes forces m'abandonnaient. Je sentais que dans la mesure où je parviendrais à me lever - ce qui n'était même pas certain -, je ne tiendrais plus sur mes jambes. Pour me rassurer sur le fait que je pusse encore un minimum bouger, je renforçais légèrement mon étreinte sur Timothy. Assez pour me savoir encore vivant, mais pas trop pour ne pas me risquer à bloquer une seule seconde sa respiration. Je ne pouvais pas lui faire ça. Je l'entendis émettre un petit rire inconscient. Dieu merci, il parvenait encore à être gai malgré tout.
- Ne t'en fais pas, je ne vais pas m'envoler, Princesse. Me susurra-t-il.
Princesse ? Pourquoi m'appelais-t-il de cette façon ? Pour me faire passer un message ? Pour me consoler ? Surement. C'était la seule explication possible. Il ne pouvait s'agir de rien d'autre. Je n'étais que sa promise, mais son amante. Il n'avait aucune raison de me donner de gentil surnom dans cette mesure. Et si je représentais autant pour lui qu'il représente pour moi ? Et si j'avais une vraie importance à ses yeux ? Et si... Et si rien du tout. Toutes ces questions étaient stupides et inutiles. Mieux valait pour lui que je ne représente rien de plus que sa promise, je le savais bien. Un peu trop bien, d'ailleurs, mais cette lueur d'espoir que je sois réellement quelqu'un pour lui me donnait envie de ne pas croire en ma mort, de faire front de toutes mes force pour retrouver vivacité et énergie, pour ainsi survivre au poison de mon frère. Mais je ne devais pas me faire d'illusion, ma seule volonté ne suffirait pas à me guérir, c'était une évidence.
Avec encore une fois cette douceur que l'on pourrait aisément confondre avec de la tendresse, Mon compagnon de misère me fit abandonner mon étreinte autour de sa nuque. M'incitant à lui faire face, je rassemblais le peu de courage qu'il me restait avec autant de sincérité que possible. Sa main gauche se décolla de mon dos et vint placer l'une de mes mèches de cheveux derrière mon oreille puis effleurer ma joue, essuyant l'eau de mes pleures. La vérité me sauta aux yeux, j'étais amoureuse de lui et lui de moi. Une dernière larme glissa sur ma peau, mais cette fois une larme de joie. Je me reportais en avant, tout contre lui. Il m'embrassa la nuque. Je relevais la tête pour placer mes lèvres à la hauteur de son oreille.
- I Love you, Timothy. Lui confiais-je. - Je t'aime, Violaine. Me murmura-t-il en retour.
Subitement, je sentis mon coeur ralentir et mes muscles faiblir. Tentant dans la mesure du possible de garder contact avec la réalité, je raffermis de nouveau mon emprise autour de mon aimé. Mais cette fois, rien à faire, je ne parvins pas à maintenir la pression plus de trois secondes. Mon corps tout entier sombra dans un engourdissement profond, emportant mon âme avec lui dans le néant.
Alors, c'était ça, la mort...
je me suis peut-être plantée dans les sauts de ligne, ne m'en veuillez pas, j'avais présenter comme dans un livre dans mon doc word ^^" |
|